Coronavirus : comment voir les émotions derrière les masques

Correctement utilisé, le masque couvre le nez et la moitié du visage. Comment les personnes qui le portent sont-elles perçues ?

Votre perception – positive ou négative – de ceux qui portent un masque dépendra principalement de ce que vous pensez de cette mesure de protection. Si vous estimez qu’elle va trop loin, vous risquez de les trouver crédules, voire carrément idiots. En revanche, si vous êtes vous-même un adepte du masque, vous aurez probablement tendance à les juger plutôt sympathiques.

Il est souvent utile de sourire aux autres pour apaiser les tensions sociales. Mais comment reconnaître un sourire lorsque la bouche est masquée ?

Dans une étude qui sera publiée prochainement, mes collègues et moi-même avons découvert que c’est loin d’être aussi difficile qu’on pourrait le croire : la capacité à reconnaître des expressions émotionnelles n’est pas plus mauvaise quand la bouche et le nez sont couverts. Un vrai sourire mobilise plusieurs muscles faciaux, comme le grand zygomatique, qui redresse les coins de la bouche, et l’orbiculaire, qui plisse les bords des yeux – il ne s’exprime donc pas juste avec les lèvres. Dans notre étude, l’observation de la zone autour des yeux suffisait généralement pour reconnaître les sentiments de quelqu’un. Nous l’avons montré à l’aide d’écharpes, de niqabs et de masques. Seules certaines émotions suscitaient de la confusion.

Lesquelles ?

La peur et la surprise. Pour ces deux émotions, nous écarquillons généralement les yeux, mais nous comptons aussi beaucoup sur la bouche. Nous ouvrons celle-ci quand nous sommes surpris et élargissons encore l’ouverture pour exprimer la peur. Si la bouche et le nez sont couverts, ces mouvements sont invisibles.

Reste que les yeux sont un puissant vecteur d’expression, grâce auquel nous reconnaissons même des états mentaux subtils, comme la réflexion. C’est d’ailleurs bien mis en évidence par le test Reading the mind in the eyes (littéralement « Lire l’esprit dans les yeux »), mis au point par le psychologue britannique Simon Baron-Cohen et ses collègues.

Ce test est utilisé pour diagnostiquer les troubles du spectre autistique, n’est-ce pas ?

Coronavirus : comment voir les émotions derrière les masques

Exactement. Le principe est d’essayer de deviner l’état émotionnel de quelqu’un en observant différentes zones autour de ses yeux. Si les personnes autistes peinent à le faire, notamment car elles tendent à éviter le contact visuel et ont plus de mal à entrer en empathie avec les autres, la plupart des gens obtiennent de très bons résultats.

Ces expériences et ces tests sont menés en laboratoire, mais qu’en est-il dans la vie réelle ? Sommes-nous aussi doués dans une situation quotidienne, par exemple à la caisse du supermarché ?

Nos études montrent que lorsque nous communiquons avec quelqu’un, nous ne comptons pas sur la vue de sa bouche pour reconnaître ses émotions. Les rencontres à la caisse du supermarché, à la boulangerie ou dans la rue présentent même un avantage certain : les gens échangent avec leur corps tout entier. Ainsi, le fait qu’une personne soit triste, en colère ou heureuse s’exprime non seulement par les expressions de son visage, mais aussi par la façon dont elle parle et se déplace. Et si quelqu’un sourit ou a l’air sérieux, cela s’entend, car les changements dans la configuration de la bouche affectent la modulation de la voix.

À quoi ressemble le son d’un sourire ?

La voix semble plus lumineuse. Un visage sérieux, en revanche, sonne plus sombre.

Reconnaître les émotions est une chose, mais les ressentir réellement en est une autre. Quand nous voyons quelqu’un sourire, nos neurones miroirs nous poussent à sourire aussi, au moins intérieurement. Si nous sommes de mauvaise humeur, cette réaction nous aide souvent à nous sentir mieux. Est-ce que cela fonctionne aussi avec un masque ?

Les êtres humains ont en effet tendance à s’imiter les uns les autres, une habitude que les chercheurs qualifient de mimétisme social. Ainsi, lorsque notre interlocuteur nous voit croiser les jambes ou mettre le menton entre nos mains, il fait souvent de même. Grâce à ce comportement en miroir, nous nous sentons plus proches de lui et nous jugeons l’interaction globalement plus positive. À l’inverse, quelqu’un qui n’imite pas du tout l’autre donne le sentiment que quelque chose ne va pas dans la relation. Mais les masques ne semblent pas empêcher ce mimétisme : dans l’étude que j’ai mentionnée, les participants ont imité le sourire de la personne qu’ils voyaient même lorsque sa bouche et son nez étaient couverts.

Les masques semblent pourtant perturber l’impression que nous laissent ceux qui en portent : à Hong Kong, une étude a montré que les patients jugent leur médecin moins empathique lorsqu’il en est équipé…

Nous revenons ici à la question de la perception des personnes qui portent un masque et à l’influence de nos opinions préexistantes. Dans nos études également, une personne était jugée « plus froide » si elle arborait cet accessoire, mais comparativement « plus chaleureuse » si elle portait un foulard – auquel les masques faits maison ressemblent d’ailleurs davantage. Sans compter que nombre de gens continuent de percevoir les médecins, en particulier les chirurgiens, comme distants et peu émotifs…

Comment les enfants réagissent-ils face aux masques ? Ont-ils plus de difficultés que les adultes à saisir les émotions ?

Les enfants en âge d’aller à l’école primaire sont à peine moins aptes que les adultes à reconnaître les émotions. Pour les tout-petits, la vue de visages qui semblent différents perturbe leurs repères et peut donc être stressante. De nombreux bébés pleurent lorsqu’ils aperçoivent une personne barbue pour la première fois. Si le nez, la bouche et le menton de la personne qu’ils regardent disparaissent soudainement, ils risquent d’être particulièrement troublés.

Comment les aider ?

Les parents peuvent familiariser leurs enfants au masque de manière ludique, par exemple en le plaçant devant leur visage pendant un court instant, puis en l’enlevant à nouveau. Les tout-petits apprennent rapidement et s’habitueront à la nouvelle situation. Il en va différemment des personnes qui ont des problèmes d’audition, car elles sont souvent dépendantes de la lecture sur les lèvres. La situation actuelle est donc un défi pour elles. Certains projets visent à fabriquer des masques transparents autour de la bouche, mais ceux-ci seront-ils acceptés par la population ? Cela reste à déterminer.

Y a-t-il moyen d’améliorer nos interactions sociales lorsque nous portons des masques ?

Oui, en les utilisant comme un signe de solidarité. Si nous considérons le fait de se couvrir le visage comme une marque de considération pour les autres, cela peut nous rassembler et créer un sentiment de communauté. Peut-être cette réaction nous rendra-t-elle même un peu du bien-être perdu dans cette situation hors norme…

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