En France, la reconnaissance faciale gagne du terrain et inquiète

C'est l'un des thèmes de campagne de ces régionales : la reconnaissance faciale. Parmi les candidats, Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France et Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne- Rhône-Alpe s'y sont déclarés favorables. Avec l'empreinte de votre visage, cette technique permet de déverouiller votre smartphone ou de passer les portiques de sécurité à l'aéroport. Mais elle peut aussi identifier des terroristes fichés recherchés dans les transports en commun ou sur la voie publique. Cette dernière utilisation est interdite en France jusqu'à présent.

La loi n'interdit pas cet outil en soi, mais elle en encadre très strictement l'usage. Elle impose notamment de recueillir le consentement de la personne, à quelques exceptions près. Patrice Navarro, est avocat spécialisé dans protection des données, il conseille les entreprises sur ce sujet. "Tout le monde se méfie de la reconnaissance faciale depuis longtemps, explique-t-il. C'est un sujet qui est regardé de très près par la CNIL, qui continue à suivre les expérimentations. Elle a ainsi refusé l'usage de la reconnaissance faciale dans les lycées ou pour empêcher l'entrée des hooligans dans les stades. La France n'est pas le pays le plus restrictif, mais c'est l'un des pays qui y réfléchit le plus en revanche."

Une expérimentation dans le métro parisien

La France a même déjà testé plusieurs expérimentations qui s'approchent de la reconnaissance faciale. Dernière en date : celle de Cannes pendant le confinement, ou juste après, dans le métro parisien à Châtelet-les-Halles, pour vérifier que les gens portaient bien leur masque. C'est la start-up Datakalab qui a mis en place ce dispositif. Pourtant Xavier Fischer, son directeur général, l'affirme : il ne s'agissait pas d'identifier les voyageurs. "On quantifiait le taux de port de masque, affirme-t-il. Et on voyait par exemple que le masque était mieux porté la semaine que le week-end, le matin que l'après-midi. Tout cela pour faire des distributions de masques, des annonces sonores. Valérie Pécresse utilisait ces données pour communiquer avec le grand public, jamais pour verbaliser. La donnée n'était livrée que 20 minutes après de façon à être certains que la personne était loin, et que ce n'était pas grâce à la technologie qu'on verbalisait."

En juin dernier, la CNIL avait sonné l'alarme et l'expérimentation avait été interrompue en raison de cette question du consentement. Mais Xavier Fischer va pouvoir poursuivre l'expérience dans le métro parisien, grâce à un décret valable un an, récemment publié par le ministre des Transports. "La CNIL nous a dit : 'La seule façon pour que vous puissiez légalement reprendre votre traitement, c'est de vous appuyer sur un décret porté par le ministère des Transports.' Le cabinet de Valérie Pécresse a travaillé avec la RATP et le ministère, et ce fameux décret est sorti le 11 mars dernier pour permettre pendant un an l'analyse de l'image à des fins statistiques dans les réseaux de transports."

La "stratégie du pied dans la porte"

C'est ce qui fait dire aux défenseurs des libertés individuelles que cette technologie avance masquée et gagne du terrain en France. C'est la position de la Quadrature du Net qui alerte : selon eux, la situation en France est grave. Martin Drago est juriste au sein de l'association, il surveille de près les avancées de cette technologie sur le territoire. "C'est un peu la stratégie du pied dans la porte, analyse-t-il. Depuis vingt ans, on a déployé massivement en France des caméras de vidéosurveillance. Et petit à petit, on commence à nous imposer et à déployer une couche algorithmique supplémentaire : on détecte les masques, les comportements suspects, etc. Et puis demain, peut-être que tout le monde devra être identifié et identifiable dans la rue quand on se promène. L'idée derrière cette démarche c'est finalement qu'on est tous un peu suspects."

L'enjeu des bases de données

L'enjeu pour ces élections régionales, c'est le déployement de cette technologie pendant la Coupe du monde de rugby 2023 et les JO 2024 à Paris. Car le gouvernement et les entreprises françaises veulent faire de ces deux grands évènements un laboratoire et une vitrine des nouvelles technologies sécuritaires. Elles permettraient de faciliter l'entrée dans les stades et d'identifier les indésirables dans les fanzones.

Mais sur cette question, il y a encore des obstacles. "Techniquement, on peut avoir des faux positifs ce qui est absolument à éviter, avance Maître Patrice Navarro qui travaille sur ce dossier. Selon comment l'intelligence artificielle a été entraînée, ça peut la conduire à se tromper. Et puis ça suppose aussi la connexion à des bases de données de sécurité publique. Et on le sait tous : plus on assemble des bases de données de ce type-là, plus des comportements façon Big Brother sont à craindre. Il reste très difficile de mettre en place un tel système aujourd'hui en ayant suffisamment de garanties pour s'assurer qu'on n'aille pas trop loin..."

En parallèle, un règlement européen sur l'intelligence artificielle est en gestation au Parlement depuis avril. Mais son application devrait prendre encore plusieurs années.

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