L'Oréal, une formidable machine à brevets au service de la "clean beauty"

PublicitéHYGIÈNE ET COSMÉTIQUES

Dans cette course, L’Oréal part avec des atouts incontestables. Fondée par un chimiste, Eugène Schueller, l’entreprise a toujours sacralisé son budget recherche. Il s’élevait en 2020 à 964 millions d’euros, soit cinq fois celui d’Estée Lauder. Elle est aussi la seule à faire de la recherche fondamentale et à y consacrer 800 de ses 4.044 blouses blanches. Elle a par exemple été la première à concevoir des peaux "reconstruites" pour éviter les tests sur animaux. Bienvenue à Aulnay-sous-Bois (93), dans le laboratoire "lumière et pigmentation" de Françoise Bernerd. Là, des centaines d’échantillons de quelques centimètres de peau mijotent dans 10 incubateurs à 37 degrés. Les tissus ont été reconstruits à partir d’une seule biopsie de vraie peau. "Nous pouvons ainsi créer des peaux malades, sèches, cicatricielles, brûlées par le soleil, détaille la chercheuse avec gourmandise. Cela nous permet des découvertes que l’on n’aurait pas pu faire autrement."

Autre atout, depuis dix ans, le groupe a décentralisé sa recherche. Ses 21 laboratoires sont rassemblés autour de six hubs, sur tous les continents, afin d’être au plus près des différents marchés. Les cheveux sont par exemple étudiés à Rio, car les Brésiliens leur consacrent un soin quasi obsessionnel. Au centre de Pudong, à Shanghai, dédié en grande partie aux soins du visage, la peau des Asiatiques est scrutée à la loupe : volume, pores, rides, taches, tout y passe. "On y décèle 27 signes de l’âge, contre 15 sur les Européennes, elles sont surtout préoccupées par la mélanine, car elles veulent une peau blanche", détaille Sanford Browne, vice-président de la recherche pour l’Asie-Pacifique.

Cette expertise, scientifique et marketing, permet à la firme d’alimenter son usine à brevets. Pas moins de 500 sont déposés chaque année, essentiellement pour des formules (laits, crèmes, brumes, sérums…), mais aussi sur quelques principes actifs. C’est alors que les "développeurs" interviennent. Ces derniers sont en prise directe avec les équipes marketing de chaque marque, qui s’arrachent les nouvelles molécules miracles, sous l’arbitrage du patron de la branche. Pour faire des économies et optimiser les années de recherche, la molécule sera de toute façon "cascadée" (comme ils disent en interne) sur plusieurs marques. Le Pro-Xylane, qui promet de combler les rides, a par exemple été lancé dans Absolue Premium de Lancôme en 2006, puis dans un soin La Roche-Posay l’année suivante, avant de se retrouver chez L'Oréal Paris en 2012.

Cette molécule, dérivée du bois de hêtre, a encore de beaux jours devant elle, car elle est "naturellement correcte". Ce n’est pas le cas de nombreuses autres. Depuis 2019, tous les projets, nouveautés ou reformulations qui ne sont pas estampillés "green sciences" sont abandonnés. Mais comment s’y prennent les chercheurs ? Les équipes travaillent dans un premier temps sur chaque ingrédient et sa fonctionnalité. Dans le cas du mascara, la tenue sur le cil et la texture crémeuse sont des impératifs. Il a donc fallu remplacer les cires issues de la pétrochimie par une molécule obtenue par transformation d’huile de colza.

Autre exemple, dans les crèmes de jour, l’acide hyaluronique est un excellent tenseur de peau. Avant, il était extrait des animaux. La recherche a travaillé avec Givaudan, son fournisseur principal, pour l’obtenir via les biotechnologies. L’Oréal peine en revanche à se passer des solvants ou de certains tensioactifs responsables de la mousse des shampoings. "On a beaucoup de travail pour les dix ans à venir", reconnaît Laurent Gilbert.

Ces fonctionnalités, encore appelées "briques technologiques", sont ensuite associées entre elles pour créer de nouvelles formules, puis testées sur les peaux ou cheveux. C’est là qu'intervient l’intelligence artificielle. Philippe Barbarat, spécialiste de la fibre capillaire, nous explique, microscope à l’appui, comment son ordinateur teste l’effet de différents polymères sur des milliers de cheveux différents. "Ce qui prendrait trente ans à la paillasse se fait en quelques mois", se réjouit-il. L’ambition est de bientôt pouvoir personnaliser chaque shampoing pour sortir de la segmentation trop large de "secs, normaux, gras”.»

Ce bouillonnant jus de cerveau finit par donner naissance à une batterie de nouveaux produits de "clean beauty" ou beauté naturelle. Certains sont de francs succès. Garnier Hair Food, une gamme de soins capillaires à 98% d’origine naturelle, a rapporté plusieurs dizaines de millions d’euros dès sa première année. D’autres comme la coloration végétale Botanéa ou les shampoings naturels Source Essentielle ne sont pas restés plus de dix-huit mois chez les coiffeurs. La première ne couvrait pas aussi bien les cheveux blancs que les colorations chimiques et le second faisait le cheveu rêche du fait de l’absence de silicone. "Dès qu’on change les habitudes des consommateurs, cela devient très compliqué", analyse un directeur marketing sous couvert d’anonymat. "Devant le rayon, les clientes ne font pas encore de l’environnement un critère de choix, même si elles le proclament par ailleurs", confirme Maryline Le Theuf, rédactrice en chef de Cosmétiquemag.

En attendant, les équipes R&D donnent naissance à beaucoup de produits hybrides, autrement dit un peu plus verts. Les colorations Matrix proposent par exemple un très bon niveau de performance en mélangeant des colorants synthétiques et naturels. Les fonds de teint haute tenue de Lancôme ou Yves Saint Laurent ont en revanche du mal à se passer d’un silicone particulier qui évite les transferts du produit vers les vêtements... ou les masques. "Le but est de faire évoluer chaque produit mais progressivement", explique-t-on en interne. Difficile de dire pour le moment combien de ces produits ont été retravaillés. A peine un tiers selon nos informations.

D’ores et déjà, L’Oréal communique abondamment sur ce virage écolo. L’an dernier, le groupe a lancé un site appelé Au cœur de nos produits pour ne pas laisser d’autres comme l’appli Yuka parler à sa place. Les chercheurs y font de la pédagogie sur les conservateurs, les filtres solaires ou encore les agents de textures, et répondent aux principales questions polémiques.

Plus audacieux encore, L'Oréal crée sa propre échelle de notation grâce à un logiciel nommé Spot (pour Sustainable product optimization tool). Cet outil permet d’évaluer la performance environnementale et sociale de chaque produit et de quantifier son amélioration dans le temps. L’intégralité des 2180 références créées ou rénovées l’an dernier a ainsi été évaluée. Bientôt un pictogramme avec une échelle de A à E, un peu à la façon du nutri-score de l’agroalimentaire, fera son apparition sur tous les emballages. Ceux de Garnier ont ouvert le bal. La marque, connue pour ses shampoings de supermarché, s’affiche désormais sur son site comme "la première marque de beauté naturelle dans le monde". Rien que ça !

Le nouveau gadget à 245 euros pour créer son rouge à lèvres soi-même à la maison

Comme Nestlé qui, après le café, a créé les machines Nespresso, L’Oréal invente le premier appareil de fabrication de rouges à lèvres sur mesure à domicile. Relié à une application, il permet de réaliser 6.000 tons différents. Soit en sélectionnant le rouge de sa star préférée, soit en photographiant son sac rouge pour reproduire la couleur à l’identique, soit en créant le fuchsia de ses rêves. Un clic et la matière sort dans une coupelle pour être appliquée au pinceau.

Baptisé Perso et développé pour le moment avec Yves Saint Laurent, il est vendu 245 euros et fonctionne avec des lots de trois cartouches à 100 euros. Il sera disponible cet été aux Etats-Unis et d’ici la fin de l’année en France. "Plus qu’une machine, c’est une expérience digitale de beauté sur mesure", explique Guive Balooch, directeur du tech incubateur. Ses équipes de chercheurs et d’ingénieurs ont mis près de deux ans à développer l’appareil. Il en rejoint d’autres comme le Teint Particulier de Lancôme, qui permet déjà, dans 1.000 grands magasins à travers le monde, de confectionner un fond de teint sur mesure aux clientes.

Le groupe prépare en secret un nouveau filtre solaire

Après avoir breveté dans les années 1980 deux filtres (Mexoryl SX et XL) déclinés dans les produits solaires de Vichy, La Roche-Posay ou Garnier (Ambre solaire), L’Oréal prépare en secret un nouveau filtre. Breveté en 2011, celui-ci vise à améliorer la protection contre les UVA longs, ceux qui accélèrent le vieillissement de la peau en pénétrant profondément dans le derme. Pour mettre au point cette innovation, L’Oréal s’est appuyé sur son laboratoire dédié à la production de peaux reconstruites in vitro. Ces échantillons de peau, de tous types, permettent de tester les molécules filtrantes en reproduisant les différents rayons solaires. La recherche est ainsi accélérée. Reste maintenant à trouver sous quelles formes galéniques (gel, brume, crème…) le filtre va le mieux se comporter. Un premier produit pourrait sortir dans trois à cinq ans.

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