Nouvelles règles d'isolement face au Covid-19 : "C'est le réalisme qui prime", estime le professeur Bruno Mégarbane

Les soignants positifs pourront continuer à travailler sous certaines conditions, "un plâtrage transitoire pour permettre de passer le cap aigu" avec cette explosion des contaminations en France, affirme le professeur Bruno Mégarbane, chef du service réanimation de l’hôpital Lariboisière à Paris.

Invité de franceinfo, il réagit à la "bonne stratégie" annoncée par le gouvernement en assouplissant les règles d'isolement pour les personnes positives et cas contacts. Bruno Mégarbane estime "que nous avons aujourd'hui sur le territoire un million de personnes porteuses du variant Omicron et donc, de fait, quasiment 10% de la population qui pourrait être contact". "En pratique, c'est le réalisme qui prime".Il se dit en revanche plus "réservé" sur le retour du masque en extérieur dès 6 ans.

franceinfo : Les soignants positifs pourront continuer à travailler sous certaines conditions. Lesquelles ?

Bruno Mégarbane : Les conditions sont extrêmement drastiques pour autoriser un personnel soignant contaminé, donc positif, à pouvoir travailler. Il doit être d'abord, évidemment, asymptomatique. Par ailleurs, il faut l'accord du chef de service et de l'encadrement. Il faut qu'il y ait un réel besoin, c'est-à-dire que toutes les autres possibilités aient été explorées et que, finalement, il y ait un manque de personnel et que l'absence de ce soignant entraîne la fermeture des lits, et évidemment, il faut qu'il s'occupe de patients qui n'aient pas de risques particuliers à ce que lui-même s'en occupe. Donc, en pratique, le soignant positif ne pourra travailler que dans un secteur Covid positif. Le risque est extrêmement mesuré. A l'hôpital, nous travaillons avec un respect strict des mesures barrières et les soignants mettent des masques FFP2, notamment lorsqu'ils s'occupent de patients Covid. De fait, la contamination est réduite, pour ne pas dire nulle. Bien sûr, il existe toujours un risque, mais c'est une stratégie du risque minimal entre faire travailler un soignant positif mais asymptomatique et fermer des lits. Je crois qu'il vaut mieux encore pouvoir s'occuper de patients qui en ont besoin.

Cela permettra-t-il de régler les problèmes de personnel au sein de l'hôpital public ?

C'est une solution parmi d'autres pour pouvoir passer ce cap difficile, de l'afflux éventuel de patients Covid lié à la vague Omicron. Évidemment, ça ne règle pas du tout le problème de fond, qui est un hôpital public démuni, une fuite du personnel soignant qui n'est plus motivé, qui ne retrouve plus satisfaction de travailler à l'hôpital public. C'est un plâtrage transitoire pour permettre de passer le cap aigu. Après, nous attendons bien sûr une réforme de structure de l'hôpital public, on espère le plus rapidement possible, en tout cas très clairement, le futur président de la République devra s'en saisir immédiatement après son élection.

Le ministre de la Santé a également annoncé l'isolement des personnes positives vaccinées, qui sera d'une durée identique, quel que soit le variant, sept jours, voire cinq, si le test est négatif. C'était dix jours avant pour le variant Omicron. Cette mesure là, est-elle cohérente ?

Oui, elle est cohérente dans le sens où, les symptômes apparaissent plus rapidement avec Omicron parce qu'en étant vacciné, donc immunisé, votre système immunitaire réagit très rapidement lorsque le virus est présent. Et puis, le pic de la charge virale est plus précoce et la réduction de la charge virale est plus rapide, ce qui fait que les symptômes sont plus courts dans le temps. Et l'élimination du virus est plus rapide, donc autorisant parfaitement une réduction de la durée d'isolement des personnes positives. En plus, lorsque vous passez à cinq jours, vous devez avoir un test PCR ou antigénique négatif pour pouvoir sortir de l'isolement. Sinon, vous ferez sept jours de façon systématique. Alors, évidemment, dans les deux, trois jours qui suivent, il faudra faire extrêmement attention. Aux Etats-Unis, par exemple, la durée d'isolement était raccourci à cinq jours, mais il est recommandé de porter un masque FFP2.

Deuxième cas de figure, les cas contacts en cas de vaccination nulle ou incomplète sera désormais de sept jours d'isolement, mais les cas contacts vaccinés, eux, pourront travailler avec un test PCR puis des autotests gratuits. Est-ce que, selon vous, cela présente un risque supplémentaire de contamination ?

Nous sommes dans une stratégie de réduction du risque, eu égard au nombre extrêmement important de personnes contaminées et donc de personnes à l'isolement pour contact. Il a été estimé que nous avons aujourd'hui sur le territoire un million de personnes porteuses du variant Omicron et donc, de fait, quasiment 10% de la population qui pourrait être contact. Evidemment, si on mettait toutes ces personnes à l'isolement, on peut arrêter les grandes entreprises, l'industrie, les hôpitaux. Donc je crois que c'est une bonne stratégie.

Mais c’est une préoccupation économique plus que sanitaire ?

Oui, tout à fait. Si vous n'avez pas de métro pour aller à l’hôpital pour soigner les patients, comment voulez-vous faire ? Si vous n'avez pas de soignants à l'hôpital parce qu'ils sont en isolement, comment voulez-vous faire ? Si vous n'avez pas de ministres ou d'administration pour gérer le pays, comment voulez-vous faire ? En pratique c'est le réalisme qui prime. Et c'est vrai que le fait de faire un test répété, c'est-à-dire cette stratégie de testing itératifs que d'ailleurs nous réclamions dans les écoles, à mon avis, permettra de minimiser au maximum la possibilité de diffusion du virus, même si évidemment, elle est très clairement inférieure à l’isolement systématique.

Le masque dès l'âge de 6 ans, cela sera vraiment un plus pour limiter les contaminations ?

Là, je suis plus réservé. La balance intérêts-inconvénients penche peut être plutôt en faveur de l'inconvénient et notamment en espace ouvert. Nous avons tous dit que les contaminations se font en milieu clos, mal aéré et donc exiger un masque chez un enfant, dans l'espace ouvert, dans la rue, me paraît d’un intérêt extrêmement faible. Je crois qu'il vaut mieux, au contraire, les laisser respirer à l'air libre. Maintenant, on comprend que dans cette période difficile, il faille donner des signaux à la population de la gravité potentielle de la situation.

Olivier Véran dit que "cette cinquième vague sera peut-être la dernière". Qu'est-ce qui permet de dire cela aujourd'hui ?

Le virus dans son histoire naturelle veut trouver un équilibre avec son hôte, qui est l'homme. Celui-ci gagne en immunité du fait des différentes infections naturelles et de la vaccination, surtout avec les doses de rappel. Et donc, le virus va essayer de s'accommoder, c'est-à-dire donner à l'homme le moins de signes possibles, le moins de morbidité possible, mais en même temps pouvoir se répliquer et se diffuser sans aucun souci. De fait, les futurs variants pourront prendre ces caractéristiques, c'est-à-dire avoir une transmissibilité très élevée comme Omicron et, à l'inverse, une virulence plus réduite. Néanmoins, on ne peut pas le dire de façon définitive. On n'est pas à l'abri d'une mutation nouvelle qui n'est peut-être pas encore apparue et qui fasse qu'un nouveau variant apparaisse et qui, lui, à nouveau, entraîne un cycle de pathologies. Aujourd'hui dans les hôpitaux, nous sommes encore dans la vague Delta, mais celle-ci commence très nettement à plafonner. Par exemple, dans le service, depuis 48 heures, je n'ai eu aucun entrant pour infection par Covid grave montrant que la vague Delta commence à plafonner, voire déjà à régresser. Toute la question est de savoir maintenant s’il va y avoir des entrants en réanimation à l'hôpital provenant des contaminations Omicron. Il faut encore compter une quinzaine de jours pour être assuré que cet Omicron est réellement bénin.

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