TÉMOIGNAGE. Michel Douce, armateur du Bugaled Breizh, raconte le jour du naufrage de son navire

Michel Douce est un solide gaillard au sourire bienveillant, un marin-pêcheur. Il était l’armateur et le patron du Bugaled Breizh, un chalutier de 24 m basé à Loctudy (Finistère). Sa vie « a basculé » le jeudi 15 janvier 2004. Ce jour-là, Michel Douce est à terre, chez lui, à Loctudy. Depuis quelques mois, son dos le fait trop souffrir pour embarquer. Le bateau et l’équipage sont en pêche au large de la Grande-Bretagne.

Juste après le journal de 13 h, le téléphone sonne chez Michel Douce. Son épouse décroche et lui passe le combiné. Au bout du fil, son ami Andrew, capitaine du port du Newlyn au Royaume-Uni. « Il m’a annoncé que le Bugaled Breizh avait chaviré. Que l’hélico venait de décoller pour les recherches, mais qu’il ignorait s’il y avait des survivants ».

Glacée, pétrifiée

Le chalutier a en effet disparu, au large du Cap Liazrd (Royaume-Uni), à 13 h 24 (heure française). Les cinq marins du bord, Yves Gloaguen, Pascal Le Floch, Patrick Gloaguen, Georges Lemétayer et Éric Guillamet sont morts dans le naufrage.

Juste après le coup de fil d’Andrew, Michel Douce appelle le téléphone satellite du Bugaled. Aucune réponse. Il est déjà trop tard. « C’est comme si la maison m’était tombée sur le dos… », lâche-t-il. De son côté, sa femme, Marcelle, raconte avoir senti son corps « se glacer. J’étais pétrifiée ». 

Un sous-marin ?

Tous les éléments tournent dans la tête de l’armateur : « Là où ils pêchaient, c’est un endroit qu’on connaissait par cœur. Le temps était bon. La zone très navigable. Rien que l’équipage n’aurait pas su gérer ». L’idée que son bateau ait été accroché par un sous-marin l’effleure, mais il la garde pour lui.

Le soir-même, il apprend que deux corps ont été retrouvés. Les hommes sont identifiés grâce à leurs tatouages : il s’agit d’Yves Gloaguen et Pascal Le Floch.

« La journée la plus difficile »

Cette nuit-là, Michel Douce n’pas dormi. Mais « la journée la plus difficile » est à suivre. Le vendredi, il part rendre visite à chaque famille des cinq marins du Bugaled Breizh. « J’ai dû leur annoncer qu’ils ne reverraient jamais leurs proches. Ils avaient tellement de questions. Et je n’avais aucune réponse. Bien malin celui qui saurait trouver les bons mots en telles circonstances », lâche-t-il, toujours touché, dix-sept ans plus tard.

Le samedi, Michel Douce est convoqué par les gendarmes maritimes au Guilvinec pour faire une déposition. À son retour chez lui, deux officiers de la Marine l’attendent. « Ils m’ont tout de suite dit qu’il n’y avait pas de sous-marins français dans la zone au moment du naufrage ». Avec le recul, « c’était étrange. Je n’avais pas évoqué cette possibilité ». Les militaires lui proposent d’embarquer à bord du chasseur de mines Andromède pour aller faire une reconnaissance sur l’épave.

Le dimanche, des premières images du Bugaled, couché à plus de 80 m de fond, sont captées par la Marine. « Ils ont filmé seulement le côté tribord. On a vu un gros enfoncement sur la coque », explique Michel. Malgré ses demandes, les militaires refuseront d’envoyer le robot-caméra du côté bâbord (gauche). « Je me demande toujours pourquoi… »

Douze ans de procès

Ces premières images vont d’abord orienter l’enquête vers l’abordage du Bugaled Breizh par un cargo voyou. Une chasse internationale fera chou blanc. En juillet 2004, lorsque le navire de Michel Douce est renfloué, on découvre que l’enfoncement est symétrique des deux côtés de la coque. La thèse de l’abordage ne peut plus tenir. « On aurait pu le savoir tout de suite s’ils avaient envoyé le robot jusqu’au côté bâbord », peste Michel Douce.

Après le naufrage, commence le volet judiciaire. Il va durer, en France, douze ans. Alors que l’armateur, les familles et bon nombre de professionnels de la mer sont persuadés de l’implication d’un sous-marin dans le drame, la justice, elle, a validé la thèse d’un accident de pêche.

Toute confiance en l’équipage

Plus de dix-sept ans après le drame, l’armateur reste persuadé qu’un sous-marin, qui aurait accroché les câbles du chalut, est responsable du naufrage. Car Michel Douce l’assure : son bateau était solide. Et il avait toute confiance en son équipage : « Yves, j’ai navigué avec lui plusieurs années. Il avait l’habitude du Bugaled et me remplaçait comme patron depuis six mois. Georges, le mécanicien, ça faisait aussi des années qu’il était tout le temps à bord. Patrick, le second mécanicien, était le marin avec lequel je travaillais depuis le plus longtemps. Pascal comptait deux ou trois ans avec nous. Et Éric, ça faisait un an. J’avais travaillé comme matelot avec son père », raconte-t-il.

Pour Michel Douce, le tourbillon qui suit la mort de son équipage et le naufrage de son bateau « a duré des années ». Des années pendant lesquelles il a pu compter sur le soutien de sa femme, Marcelle, toujours présente, discrète mais solide, à ses côtés, partout où il est allé.

Les désillusions

« Encore aujourd’hui, à l’approche du 15 janvier, c’est dur », souffle Marcelle, elle aussi entraînée dans la spirale de cette affaire. « Ça le sera jusqu’à la fin », prédit Michel Douce.

À l’aube del’inquestqui s’ouvre le 4 octobre 2021 à la cour criminelle de Londres (Royaume-Uni), Michel Douce a choisi de rester en retrait. « Avec la justice, il y a eu tant de désillusions que je ne m’attends pas à grand-chose… Même si tout ce que je souhaite c’est que la vérité sorte enfin ».

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