Virus, pollution, incendies… Pourquoi le masque est parti pour rester

#Pandémie#Société

Faut-il s’attendre à ce que le masque fasse encore partie de notre quotidien dans les prochaines années et les prochaines décennies ? Virus respiratoires, pollution atmosphérique dans les grandes villes, incendies mais aussi pouvoir esthétique : les spécialistes du sujet mettent en avant plusieurs raisons qui plaident pour un tel scénario.

Pablo Maillé- 28 janvier 2022#Pandémie#Société

Il y a encore vingt-quatre mois, il n’était qu’un objet étrange et dérangeant, tantôt associé aux pires dystopies de science-fiction, tantôt moqué par les citadins occidentaux lorsqu’ils le repéraient sur le visage des touristes japonais. Devenu un élément essentiel de lutte contre la propagation du Covid-19, au point d’être désormais (partiellement) rendu obligatoire dans la plupart des pays du monde, le masque est-il amené à s’ancrer dans notre quotidien dans les années et les décennies à venir ? Pourquoi sa généralisation est-elle, au moins dans certaines circonstances, très probable après la pandémie ? Sanitaire, atmosphérique, climatique mais aussi esthétique : nous avons repéré au moins quatre raisons qui risquent de faire de cet accessoire un compagnon de route de la société de demain.

1 – Parce qu’il permet de se protéger contre les autres virus respiratoires

C’est LA principale raison pour laquelle le port du masque pourrait, selon certains, s’ancrer dans notre quotidien au-delà de la pandémie. À l’image du Sars-CoV-2, les autres virus respiratoires se transmettent en effet à cause de l’expression de micro-gouttelettes en suspension, qui contiennent des particules virales. C’est en toussant, en éternuant ou simplement en parlant face à une autre personne que la libération de ces particules virales se produit. En toute logique, l’objectif du masque est de bloquer l’expression de ces micro-gouttelettes afin de limiter le risque de contagion. Grippe, angine, rhinopharyngite, bronchiolite… De nombreuses maladies sont concernées, sans compter les (éventuelles) autres pandémies que nous réservent les prochaines décennies.

Début 2021, une étude du Boston Medical Center (BMC) mettait d’ailleurs en évidence une réduction d’environ 80 % des cas de grippe et d’autres infections respiratoires virales courantes en 2020, par rapport à des périodes similaires les années précédentes. Ceci en partie grâce aux confinements et autres mesures de restriction drastiques actées aux quatre coins du monde, mais aussi grâce à l’instauration de la distanciation physique et à l’efficacité des masques, dont l’utilisation s’est rapidement généralisée au sein de toute la population.

De quoi pousser Jean Castex lui-même à recommander l’extension (volontaire) du port du masque, comme il le faisait en mai 2021 dans une interview accordée au Parisien : « [Ce] sera sans doute, à l’avenir, un moyen de protection naturel au-delà de la Covid, estimait alors le Premier ministre. Évidemment pas de façon permanente, obligatoire, partout et tout le temps, comme aujourd’hui. Mais il pourrait entrer dans les habitudes en Occident, notamment en période de grippe hivernale. » Auprès de la chaîne de télévision CNN, le conseiller spécial à la Maison-Blanche Anthony Fauci faisait peu ou prou les mêmes prédictions quelques mois plus tôt, estimant « envisageable » que « durant un an ou deux, ou plus, durant certaines saisons où vous avez des virus respiratoires comme la grippe, les gens puissent choisir de porter un masque pour limiter la propagation de ces maladies ».

Reste à déterminer le type de masque approprié selon les circonstances. Pour rappel, si les masques « faits maison » en tissu et les masques grand public de catégorie 2 (voir ce récapitulatif) ne sont pas totalement bannis en France, ils ne peuvent désormais plus être portés en entreprise ou à l’école, car leur efficacité est jugée insuffisante. Dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, seuls les masques grand public de catégorie 1 (c’est-à-dire permettant une filtration d’au moins 90 % des particules de 3 microns émises par le porteur), les masques chirurgicaux et les masques FFP2 ou FFP3 sont recommandés par les autorités de santé. Principale différence entre ces trois catégories : les deux premières sont destinées à éviter la projection vers l’entourage des gouttelettes mais ne protègent pas contre l’inhalation de très petites particules en suspension dans l’air, là où les masques de type FFP protègent non seulement contre l’inhalation de gouttelettes, mais aussi contre l’inhalation de particules en suspension dans l’air.

« Les masques qui ont le plus d’efficacité sont clairement les FFP2, même s’ils ont un coût plus important, résume Yannick Simonin, maître de conférences en surveillance et étude des maladies émergentes à l’université de Montpellier. À l’avenir, on pourrait imaginer les réserver aux personnes fragiles, immunodéprimées, ou les généraliser pendant des phases de très forte circulation virale comme c’est le cas en ce moment avec Omicron. En phase d’accalmie ou pendant un hiver “normal”, en revanche, prendre le réflexe de porter un masque chirurgical lorsqu’on est malade devrait suffire. C’est un petit geste altruiste qui peut s’avérer très efficace, car on sait qu’un virus bénin chez les uns peut donner lieu à des formes plus graves chez les plus fragiles. »

Virus, pollution, incendies… Pourquoi le masque est parti pour rester

Seule objection soulevée par certains scientifiques, dont cet article de Futura Sciences se fait notamment l’écho : prévenir ainsi toutes les infections n’est pas nécessairement une bonne chose en soi « puisqu’en s’exposant aux microbes, on prépare le système immunitaire à de possibles infections ». Dit autrement : à vouloir se surprotéger, ne risque-t-on pas de devenir trop intolérants au risque ? « C’est un équilibre à trouver, reconnaît Yannick Simonin. Par exemple, sauf circonstances exceptionnelles comme en ce moment, le port du masque n’est pas recommandable chez les enfants, car ceux-ci ont besoin d’être exposés à différents virus et pathogènes : c’est comme ça que leur répertoire immunitaire devient le plus complet possible. Mais le rapport de risque s’inverse lorsqu’on monte dans les catégories d’âge, en particulier chez les personnes fragiles. » Et le virologue de mettre en garde : « Quoi qu’il en soit, soyons clairs, si les masques protègent contre les maladies respiratoires, il ne faut pas imaginer qu’ils constituent la protection ultime contre toutes les infections – notamment via l’alimentation, les piqûres de moustiques, les morsures. » Pas un bouclier magique, donc.

2 – Parce qu’il bloque certaines particules fines lors des pics de pollution

Autre avantage du masque, en particulier pour les habitants des grandes métropoles urbaines : celui-ci peut protéger, au moins en partie, contre la pollution de l’air. À condition, là encore, de choisir un modèle adapté, les masques en tissu peu chers ne protégeant qu’assez peu contre les particules fines, à rebours des masques FFP2, très efficaces contre les particules en suspension PM2,5 ou PM10, parmi les plus nocives pour la santé humaine.

En hiver, l’accumulation des PM2,5 donne en effet lieu à des pics de pollution particulièrement fréquents dans les grandes villes, lorsque les sources de polluants sont plus importantes et dans des conditions météorologiques lors desquelles ils peuvent s’accumuler (combustion provoquée par les moteurs de véhicules, la biomasse ou le charbon pour le chauffage résidentiel, les activités agricoles, etc.). Or « les particules fines sont, pour la plupart, encore plus grosses que les virus», indique Véronique Riffault, professeure de l’Institut Mines-Telecom à l’IMT Nord Europe. «Si le masque FFP2 est efficace contre les virus, il est donc logique qu’il le soit aussi contre cette matière. Dans les transports en commun, par exemple, sa généralisation pourrait être recommandée pour au moins deux raisons : d’une part, car les gens sont agglutinés les uns contre les autres et risquent donc de se transmettre des virus ; d’autre part, car les concentrations en particules fines sont extrêmement importantes, notamment à cause des phénomènes de freinage. On ferait d’une pierre deux coups. » La pollution de l’air provoquant le décès prématuré d’environ 7 millions de personnes par an à l’échelle mondiale, certaines conséquences sanitaires – vieillissement accéléré des cellules, maladies cardio-vasculaires ou respiratoires, cancers du poumon… – pourraient alors être limitées.

Selon vous, le port du masque va-t-il s'ancrer durablement dans notre quotidien ?

Certaines… mais pas toutes, prévient Richard E. Peltier, professeur en sciences de la santé environnementale à l’université d’Amherst Massachusetts. « Au-delà des particules fines, il est essentiel de souligner que la pollution de l’air implique tout un mélange de différents composants chimiques et de particules microscopiques de taille différente et qui peuvent varier dans le temps, écrit-il dans un article sur le sujet publié sur le site de The Conversation (…) Dans les villes très polluées, les particules sont souvent bien plus fines que celles de 300 nanomètres, tout particulièrement celles émises près des voitures, des camions et des feux ouverts. Même les modèles N95 [équivalent américain du FFP2, ndlr] n’ont pas été conçus pour répondre à ce type de pollution traditionnelle.» D’où l’importance de mettre l’accent sur les politiques de lutte contre la pollution de l’air, notamment via l’instauration des « zones à faible émission » (ZFE), plutôt que sur celles visant à « faire avec », insiste Véronique Riffault : « Comme il va y avoir de moins en moins de voitures roulant aux combustibles fossiles grâce à ces politiques, les centre-villes seront théoriquement plus propres dans 5 à 10 ans – à condition que d’autres sources problématiques comme le chauffage au bois ne viennent balayer les efforts consentis sur la pollution automobile. Il sera alors peut-être possible de laisser tomber le masque, en tout cas pour ce qui est de la pollution.»

3 – Parce qu’il peut aussi être utile pendant les incendies

Prometteur ? Certes. Sauf qu’en s’éloignant des grandes métropoles, d’autres risques resurgissent. La chose est moins connue, mais les particules PM2,5 évoquées plus haut (celles dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres) sont aussi celles que l’on retrouve dans les particules de fumée émises lors des feux de forêt. Là encore, le port du masque FFP2 peut donc s’avérer utile lorsque l’on se trouve à proximité d’un incendie, afin d’éviter l’inhalation de certaines substances qui s’en dégagent. Encore plus poussé, des masques FFP3 équipés de filtres à charbon actif permettent de bloquer les gaz asphyxiants (les cyanures, l’hydrogène sulfuré et les oxydes de carbone entraînant une dépression du système nerveux central) et irritants (le chlore et ses dérivés, les aldéhydes et les dérivés de l’azote entraînant des lésions caustiques des muqueuses respiratoires) présents dans la fumée.

D’où cette recommandation des Centers for Disease Control and Prevention américains, qui ont mis à jour leur site officiel l’été dernier, en indiquant que « si les masques en tissu ne vous protégeront pas de la fumée des feux de forêt », les masques FFP2 et plus « peuvent fournir une protection à la fois contre la fumée des feux de forêt et contre l’infection et la propagation du Covid-19 ». À l’échelle locale, les autorités sanitaires californiennes, soumises à des épisodes de plus en plus intenses d’année en année, déconseillent elles aussi « les bandanas (humides ou secs), les masques en papier ou chirurgicaux, ou les mouchoirs, car ceux-ci ne protégeront pas vos poumons des incendies de forêt », préférant préconiser le port du FFP2 ou FFP3. Et ce afin d’éviter toute « irritation des yeux, du nez, de la gorge ou des poumons, zones qui peuvent être particulièrement sensibles si vous souffrez d’asthme, d’une maladie pulmonaire ou d’une maladie cardiaque ».

4 – Parce qu’il est déjà devenu un accessoire comme les autres

Ultime facteur qui permettra peut-être demain la généralisation du port du masque : sa dimension esthétique. Au-delà des facteurs scientifiques exposés jusqu’ici, il n’est en effet pas impossible que le masque soit d’ores et déjà devenu un accessoire du quotidien « comme les autres », que l’on conserve toujours sur soi « au cas où » – comme on porterait une écharpe en hiver ou une casquette en été. Comme nous vous l’expliquions dans un article publié au printemps 2020 sur notre site, le port du masque ne fait d’ailleurs plus débat depuis longtemps dans certains pays d’Asie : en Corée du Sud ou en Chine, par exemple, des SMS sont fréquemment envoyés par les autorités pour recommander son utilisation lors de pics de pollution, particulièrement fréquents en hiver, mais la population n’attend généralement même pas ces incitations pour le dégainer – et l’agrémenter, si nécessaire, de divers logos ou motifs.

Relativement épargné par la pollution de l’air, le Japon voisin est également l’un des pays où il est le plus fréquent de croiser des gens masqués, que ce soit dans la rue ou sur les réseaux sociaux. Preuve de cette banalisation, d’après le site d’information japonais News Post Seven, en 2011, 30 % des Tokyoïtes portant un masque le faisaient… pour des raisons autres que sanitaires. L’histoire n’en dit pas plus sur la nature de ces raisons mais notons que, dans le cadre d’une étude tout juste publiée dans la revue Cognitive Research, des chercheurs britanniques ont demandé à 43 femmes de juger la beauté d’un groupe d’hommes avec ou sans masque… et les meilleures notes ont été données lorsque l’individu portait un modèle chirurgical. Preuve que dans les pays occidentaux aussi, le masque a sans doute encore de beaux jours devant lui.

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