Charlotte Liguori, artiste plasticienne touchée (mais pas coulée) par la précarité

La plasticienne a eu la chance d'établir son atelier en avril dernier au 59 rue de Rivoli, lieu alternatif de la capitale accueillant un collectif d'une trentaine d'artistes. Particulièrement affectée par la précarité, Charlotte Liguori a accepté de se livrer pour NEON sur ses derniers mois, non sans garder une note de positivité. Portrait.Charlotte Liguori, artiste plasticienne touchée (mais pas coulée) par la précarité Charlotte Liguori, artiste plasticienne touchée (mais pas coulée) par la précarité

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Sur les murs de son atelier, ses œuvres. Des toiles peintes, surtout des dessins abstraits en noir et blanc, quelques poèmes. Au 6ème étage du squat du 59 rue de Rivoli, elle pourra créer, à toute heure de la journée et vendre ses œuvres aux visiteurs qui affluent en masse à partir de 13h. Puis, elle ira boire un café sur l’un des nombreux balcons ensoleillés de l’immeuble. Là, elle discutera avec un voisin. De fil en aiguille, l’idée d’une nouvelle création germera de leurs esprits. Elle retournera à son bureau ou l’attendent l’encre de Chine et le papier immaculé avant de descendre admirer le vernissage d’un de ses "colocataires". Et le soir, peut-être, elle fêtera le départ d’un artiste, ou l’arrivée d’un autre. Voilà la vie qu'elle mène depuis le début du mois d'avril, et plus particulièrement la mi-mai, quand le 59 a réouvert ses portes.

"Ici, il n’y a que du spontané", soupire-t-elle. Mais ne vous y trompez pas. Il s’agit bien là d’un soupir de soulagement. Car être entourée d'artistes dans la même situation lui fait un bien fou. La plasticienne ajoute : "On peut partager et se dire que c’est difficile. On se serre les coudes. Chacun se file des tuyaux". Le bout du tunnel, Charlotte, à l’heure où l'on se parle – le 1er juin –, l’aperçoit pour la fin du mois. Enthousiaste, elle confie : "On a tous envie de faire exploser pleins de couleurs, de se dire qu’en fait, ce n’est pas tout gris si on ouvre la palette".

Tombée malgré elle dans la précarité

Attablée sur un balcon étroit, elle remet ses lunettes de soleil en place. L'odeur très présente de peinture qui émane de l'intérieur se mêle aux effluves de la rue parisienne. Vêtue d'une robe à fleurs sans fioriture, la jeune femme attache ses cheveux bruns avant de se lancer : "J'ai envoyé ma candidature au 59 en novembre 2020". Cette arrivée au squat pour trois mois – renouvelable jusqu’à 6 mois – marque une rupture dans son parcours. Car depuis un an, et comme beaucoup d’autres artistes, elle a subi de plein fouet les conséquences du covid. Le squat peut en témoigner : il a récemment lancé un appel aux dons pour la première fois de son histoire.

Charlotte Liguori, artiste plasticienne touchée (mais pas coulée) par la précarité

Retour en mars 2020. "Au début, j’ai trouvé ça cool car j’avais du temps pour créer. Mais comment, ou et à qui je vends ?" Difficile de lui donner une réponse. Pendant l’été, Charlotte comprend que les salles d’expos n’ouvriront pas. Les restaurants, avec qui elle a des partenariats, non plus. Ses cours de dessin, qu’elle donne à des enfants, ne reprennent que partiellement et avec un public réduit. En janvier, ses aides APL sautent aussi. "Comment payer un loyer à 600 euros si j'en gagne 700 ? Comment j’allais manger ? Comment j’achète mon matos ?" Alors, elle réactive son "mode voyage". À l’étranger pendant six années, où elle vivait de petites créations artistiques, elle s’est parfois retrouvée à sec. Elle réadapte alors son budget et fait des choix.

Réinventer l'art

Rentrée de son tour du monde peu avant la pandémie, ses six premiers mois dans la capitale se passent à merveille. "Il y a eu beaucoup d’émulation en peu de temps", se rappelle-t-elle. Mais quand tout s’arrête, une question la taraude : comment continuer à montrer de l’art ? Il faut se réinventer : "J'ai écrit des poèmes à la fin du premier confinement mais il n’y avait personne pour les lire. Du coup, je les ai mis sur les Vélib’. Chaque personne qui en prend un les verra".

À défaut d’endroits clos, elle utilise à fond l’espace public. Elle colle des définitions de mots qui lui font écho sur les murs. "Sourire", "humeur" ou "essentiel". "Ça veut dire quoi exactement ?", questionne-t-elle, alors qu’elle s’est trop souvent sentie oubliée ces derniers mois. "On a été un peu mis de côté, les plasticiens. On a beaucoup parlé des intermittents, mais les artistes, pas tellement. On n’a pas eu les mêmes aides. C’est ma première année de travail en France en tant qu’auto-entrepreneuse, je me débrouille quoi."

Gare à la méprise : Charlotte n’est pas du genre à s’apitoyer sur son sort. "Je n’en ressors pas plus forte avec mon porte-monnaie mais j'ai appris beaucoup de choses, comme des moyens de transmettre."Elle se veut positive et se décrit comme quelqu’un de joyeux. Son sourire en témoigne, elle à qui une journée ensoleillée de création artistique peut suffire à son bonheur. "Je suis sensible au monde. Ça fait 5 ans que j’en ai pris conscience", relate-t-elle.

Empathique, elle avoue "y travailler" parce que ce n’est pas facile. "C’était difficile à gérer, les morts du covid." Elle hésite, se mort la lèvre, puis développe : "Je me suis coupé des informations. Je suis consciente de ce qui se passe, mais c’est tellement anxiogène." À sa précarité financière s’ajoute alors une sorte de précarité mentale à laquelle elle trouve une parade personnelle. "Tous les mois, j’ai recouvert des papiers blancs de points noirs pour sortir ce que j’avais à l’intérieur. Ce sont les non-dits. Ça m’a permis d’extérioriser."

Des projets à foison

Cette démarche, Charlotte l’applique aussi dans l’une de ses œuvres sur laquelle elle travaille depuis 2014. "Dans les médias, on est bombardé d’informations négatives. Ça passe, et on oublie. J’ai du mal à comprendre comment on devient insensible", détaille-t-elle. Elle refuse d'oublier, de s'habituer. Elle réutilise ces infos dans son travail visuel : "Dans la répétition d’un geste, d’un trait ou d’un point, je recherche à comprendre et à sentir la douleur, à me souvenir en emmagasinant".

À ce travail s’ajoute un documentaire intitulé "Qu’est ce que l’art apporte ?", prévu pour décembre, un voyage sac-à-dos sur les épaules au Mexique, des expos et des cours de dessin qui vont reprendre totalement. "Le 59 a accéléré beaucoup de choses", sourit-elle, "Lève la tête et continue de marcher car il y a de jolies choses qui arrivent". Difficile de ne pas la croire étant donné le programme qui l’attend.

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