Pour les mannequins françaises, se syndiquer est quasi-impossible. Pourquoi donc ?

Entre les difficultés de se syndiquer pour les mannequins qui préfèrent donc des assos et des réglementations plus strictes pour les agences et les marques, la mode change lentement. État des lieux post-#MeToo.

Alors que #MeToo secoue plusieurs industries du divertissement à haute visibilité, celle de la mode reste étrangement silencieuse, tout en étant régulièrement éclaboussée par des scandales de violences sexuelles, dont les mannequins seraient les principales victimes.

Elles et ils agissent pour s’en prémunir de plus en plus vocalement, et ce davantage à travers des assos plutôt que des syndicats.

Les #MeToo hoquetant de la mode

Plusieurs marques de haute couture et le grand groupe de presse Condé Nast (des magazines Vogue, GQ, ou encore Vanity Fair) ont cessé de travailler avec les photographes Mario Testino et Bruce Weber depuis qu’une enquête du New York Times les a pointés comme auteurs de violences sexuelles à l’encontre de mannequins hommes.

Même répudiation pour le photographe Terry Richardson dont la réputation de prédateur sexuel servait jusqu’à #MeToo d’aura sulfureuse dans un secteur qui célébrait encore le porno-chic.

Depuis quelques mois, c’est le créateur Alexander Wang qui se voit accusé par des mannequins. Il amorce une forme de traversée du désert dont on ne sait pas encore s’il reviendra.

Sans compter les étranges liens entre l’affaire Jeffrey Epstein et les Anges de Victoria’s Secret…

S’il s’agit de cas étatsuniens, la mode française s’agite aujourd’hui autour de la figure de Gérald Marie, le « Weinstein de la mode », ancien agent de mannequins surpuissant à la tête d’Elite dans les années 1980-1990. Il est aujourd’hui accusé par plusieurs femmes d’agressions sexuelles et viols, y compris sur mineures, selon un système de prédation s’appuyant sur sa position à la tête d’une agence de mannequins.

On a fait le choix de genrer les mannequins au féminin dans la suite de cet article par souci de concision et parce que les personnes concernées sont majoritairement des femmes, mais toutes les identités de genre sont concernées, y compris les hommes.

Pour les mannequins françaises, se syndiquer est quasi-impossible. Pourquoi donc ?

Parce qu’elles commencent très jeunes, qu’il s’agit parfois de leur premier métier, et qu’elles doivent souvent quitter leur pays natal pour exercer ailleurs où elles ne connaissent pas forcément leurs droits, les mannequins sont-elles des proies plus faciles, notamment aux violences sexuelles ?

Plutôt que d’être considérée comme une lanceuse d’alerte, elle a été aussitôt blacklistée. Sarah Ziff a donc créé en 2011 l’asso Model Alliance qui oeuvre à mieux protéger les intérêts et droits des mannequins. Parmi ses faits d’armes, l’obtention d’une loi qui oblige les agences à fournir un chaperon pour accompagner les mannequins de moins de 16 ans en shooting, tournage ou casting. Une sacrée avancée au pays de l’Oncle Sam.

Pour éviter de finir comme Models Guild, un syndicat de mannequin américain mort-né dans les années 1990 car les premières concernées craignaient d’y adhérer de peur d’être blacklistées, Model Alliance se présente donc comme une association, même s’il s’agit véritablement d’un groupe de pression. Et cela paye : elle a notamment obtenu le prix de l’influence positive de l’année aux CFDA 2021 (sorte d’Oscars de la mode). C’est aussi notamment grâce à son travail que l’affaire Gérald Marie arrive devant la justice française aujourd’hui.

Les réseaux sociaux comme nouveau contre-pouvoir pour les mannequins

Barbara Blanchard note tout de même un changement culturel progressif dans l’industrie au bénéfice des mannequins, depuis la professionnalisation et l’internationalisation dans les années 1980-1990. Bénéfice ratifié en France par cette fameuse Convention collective de 2004 qui les protège vraiment, et renforcé par #MeToo :

« Si vous parlez, vous êtes “morts” professionnellement »

Model Law confirme cette peur d’être ostracisée, mais observe qu’elle commence à s’estomper, positivement :

Et pour confirmer la tendance, les groupes de luxe français LVMH et Kering, les plus puissants du monde, ont co-signé en 2017 une charte pour améliorer les conditions de travail et mieux protéger le bien-être et la santé des mannequins. Elle stipule notamment qu’on ne peut pas faire travailler des mineures de moins de 16 ans, que les mannequins doivent faire plus qu’une taille 32, et qu’elles disposent d’un certificat médical attestant de leur bonne santé.

Une révolution noir sur blanc dans le secteur, émanant de poids suffisamment lourds pour faire vraiment changer les pratiques. En théorie.

Le mannequinat, une industrie beaucoup plus réglementée en France qu’ailleurs

La Française Natahlie Cros-Coitton qui dirige la plus grande agence de mannequins hexagonale, Women Management, et a été élue en 2018 à la présidence de la Fédération française des agences de mannequins (FFAM) le confirme :

Mais aux yeux de Model Law, les moyens pour s’assurer que cette charte positive soit bien appliquée ne sont pas suffisamment mis en oeuvre :

Les mannequins et leurs agences, un turn-over impitoyable

Dans la difficulté à affirmer ses droits, le rythme effréné de l’industrie et ses régulières chaises musicales sont également évoqués par la directrice de casting Barbara Blanchard :

« Un véritable métier, et non un hobby »

Également juge au conseil des prud’hommes et membre du comité du Medef (Mouvement des entreprises de France) Natahlie Cros-Coitton tient donc enfin à rappeler les bases selon elle :

À Model Law de conclure avec un conseil aux aspirantes modèles :

À lire aussi :« Penser la diversité sans inclusion ne mène à rien » : Barbara Blanchard secoue la mode française

Crédit photo de Une : pexels-cottonbro-9512038

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