GHB : Comment savoir si j’ai été droguée à mon insu ?

Dans un bar lillois, Noémie laisse son verre sur le comptoir pour se rendre aux toilettes avant d’être prise de bouffées de chaleur. Fait étrange : il est 17h30 et elle n’a bu que quelques gorgées de bière. Il suffit d’une fraction de secondes pour qu’elle s’écroule par terre, inconsciente. Elle se réveille à 3h du matin, presque entièrement habillée sur son lit, n’ayant retiré que sa veste et ses chaussures. Noémie n’a aucun souvenir du trajet du retour, qu’elle a fait accompagnée d’un ami. Les lumières sont toutes allumées, la porte d’entrée est restée entrouverte. « En me réveillant, je n’étais pas du tout en gueule de bois mais je ressentais une sensation bizarre dans mes jambes. Tout ça me paraissait incohérent », raconte la jeune femme.

Elle appelle alors sa meilleure amie, dont la mère est infirmière. « Ça ressemble aux effets du GHB », indique cette dernière. Le test sanguin est sans équivoque : Noémie a consommé cette substance, couramment appelée « drogue du violeur », et que l’on retrouve de plus en plus fréquemment dans l’actualité. À Grenoble, le parquet a même ouvert une enquête après que des dizaines d’étudiantes d’une école de management ont été droguées lors de soirées. Dans l’Hérault, l’Association des étudiants montpelliérains a également alerté d’une hausse des cas de soumission chimique, l’administration d’une drogue « à des fins criminelles ou délictueuses » selon l’académie nationale de médecine, généralement dans des cas d’agressions sexuelles et des viols.

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Qu’est-ce que le GHB ?

Le GHB, ou gamma-hydroxybutyrate est une substance chimique « qui existe sous forme de poudre blanche cristalline, ou sous forme liquide », explique le professeur Laurent Karila, psychiatre spécialisé en addictologie à Hôpital Universitaire Paul Brousse de Villejuif. « Il va être dilué dans un verre ou dans une bouteille d’eau pour être bu. Il est inodore, incolore, au goût amer. Cette molécule anesthésique à usage médical a une double action : elle est à la fois euphorisante et sédative », ajoute Laurent Karila. Il suffit d’un moment d’inattention pour qu’une personne mal intentionnée en verse discrètement dans un verre laissé sans surveillance. Le vice-président de SOS Addiction insiste : il est impératif de toujours garder un œil sur son verre.

Quels sont ses effets ?

Les effets du GHB sur l’organisme peuvent varier en fonction de la personne qui l’ingère. « Cette drogue euphorisante entraine une perte de contrôle, une forte désinhibition et augmente le désir sexuel. À forte dose, elle peut être responsable de coma et d’overdose », explique la professeure Laurence Lalanne, cheffe des pôles psychiatrie et addictologie au CHRU de Strasbourg. « Le GHB a pour conséquence une altération de la conscience, des problèmes de mémoire et d’attention qui peuvent conduire le sujet à ne plus savoir ce qu’il s’est passé lors de la consommation, surtout si la dose de GHB est importante », ajoute-t-elle. Et ce n’est pas tout. D’autres effets non désirés peuvent apparaître chez la victime, comme « des nausées, des vomissements, des vertiges, une pensée altérée, des difficultés d’élocution, mais aussi une incapacité́ à prendre des décisions et enfin, de la fièvre », complète le professeur Karila, qui note que les effets « débutent quinze minutes après l’administration et durent trois à quatre heures ».

Le GHB, seul responsable ?

GHB : Comment savoir si j’ai été droguée à mon insu ?

Cette substance n’est pas la seule utilisée dans des affaires de soumissions chimiques. Laurence Lalanne précise que d’autres médicaments peuvent avoir des effets similaires sur l’organisme. Comme les benzodiazépines, qui sont des anxiolytiques. Dans cette catégorie, on trouve des produits tels que le Lexomil, le Valium ou le Xanax, bien plus faciles à trouver en pharmacie que le GHB.

Il existe un flou autour du GHB qui rend difficile un diagnostic précis. « Souvent, le GHB est combiné à de l’alcool qui a les mêmes effets sur la mémoire et l’attention. C’est ce trou noir, l’absence de souvenir, qui peut faire évoquer une intoxication au GHB. Mais une forte consommation d’alcool peut avoir les mêmes effets », indique-t-elle.

Une présence éphémère dans le sang

Elisa, 19 ans, n’a pas pu prouver qu’elle avait ingéré une substance anesthésiante. Elle est pourtant persuadée qu’on a glissé quelque chose dans son verre lors d’une sortie en boite de nuit. Après un trou noir de plusieurs heures et des vomissements inhabituels, la jeune femme doute que la quantité d’alcool bue ce soir-là ait pu avoir un tel effet. « Je me connais très bien et mes amis aussi : je n’ai jamais été dans un tel état », raconte-t-elle. Subitement, elle est prise de frissons, puis de bouffées de chaleur, a du mal à parler et oublie tout. Elle apprend plus tard qu’elle a embrassé ce garçon qui lui avait offert des verres au bar, puis avait insisté longuement pour la ramener chez elle. Quelques jours après les faits, elle se rend au commissariat et parle de ce trou noir aux policiers. Mais sans preuves, impossible de recevoir sa plainte.

Le GHB disparait du sang en moins de huit heures et des urines en douze heures : si un test n’est pas réalisé directement, les chances que toute substance ait quitté le corps sont grandes. Un paramètre qui rend compliqué le diagnostic et affecte les victimes. Elisa attend donc avec impatience les vidéos de surveillance de l’établissement, qui a connu plusieurs cas similaires ces derniers temps, avec l’espoir d’y voir plus clair sur cet épisode traumatisant. « Des analyses toxicologiques peuvent apporter des réponses en cas de doute », conseille Laurence Lalanne. Si le délai pour réaliser des tests sanguins et urinaires en laboratoire sont dépassés, il faut se tourner vers des instituts médico-légaux spécialisés en toxicologie pour faire analyser quelques mèches de cheveux. Celles-ci gardent les traces du GHB pendant six à huit semaines et permettent de déterminer si une personne a bel et bien été droguée à son insu.

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