En Algérie, les principales chaînes de télé appartiennent à des oligarques proches de Bouteflika Rechercher Top Articles Navigation Brèves

Face au soulèvement populaire, certaines d’entre elles ont changé de camp, en couvrant la contestation.

Entre deux slogans scandés contre le président Bouteflika, leurs noms sont régulièrement hués par la foule lors des manifestations qui réunissent, chaque vendredi depuis un mois, des centaines de milliers d’Algériens dans tout le pays. Ces attaques, qui ciblent une poignée d’hommes d’affaires ayant bâti leur fortune sur leur proximité avec le régime, ne seront pourtant pas retransmises sur les chaînes de télévision privées. Et pour cause : la plupart sont détenues par ces mêmes milliardaires.

L’un des plus médiatiques, Ali Haddad, est le président du Forum des chefs d’entreprise, l’organisation patronale connue pour financer les campagnes électorales d’Abdelaziz Bouteflika. L’oligarque est le propriétaire des quotidiens Le Temps d’Algérie et Wakt El-Djazaïr, mais aussi de Dzaïr TV et Dzaïr News.

Ces deux chaînes ont été créées pour relayer la campagne du président en 2014, et sont aujourd’hui favorables à son maintien au pouvoir. A la tête du premier groupe de BTP algérien, M. Haddad « est très proche de Saïd Bouteflika, le frère du chef de l’Etat, et a bénéficié des plus gros marchés nationaux de travaux publics, sans appel d’offres », explique Belkacem Mostefaoui, professeur à l’Ecole nationale supérieure de journalisme d’Alger.

La chaîne d’information Ennahar TV, régulièrement en tête des audiences, se trouve, elle aussi, dans le collimateur des manifestants, qui l’accusent d’être l’antenne attitrée du clan présidentiel. Son propriétaire et directeur, Anis Rahmani, « a soutenu l’opposition à Bouteflika aux élections de 2004, avant d’en devenir, du jour au lendemain, un fervent supporteur quand il a été réélu », rappelle Lotfi Ramdani, le directeur du site spécialisé Medias-dz.

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Une « allégeance » que l’ancien journaliste a récemment réaffirmée lors du début de la contestation. « Sa chaîne affiche un semblant d’opposition en critiquant des petits acteurs du pouvoir, mais ne cible jamais l’armée ou le président lui-même », relève un journaliste d’une radio publique, pour qui cette partialité est « parfois plus flagrante que sur le service public », pourtant verrouillé par le gouvernement.

Plusieurs autres cas illustrent cette mainmise sur la télévision privée. Mahieddine Tahkout, patron d’un monopole dans le transport d’étudiants et d’un groupe d’assemblage automobile, a racheté, en 2015, la chaîne Numidia News. Discret, l’homme d’affaires est proche de l’ancien premier ministre Ahmed Ouyahia, membre de la garde rapprochée du président jusqu’à son limogeage, le 11 mars dernier. Toujours en 2015, la chaîne El Djazaïria One est tombée dans le giron des frères Aissiou et d’Ould Zemirli, magnats de l’immobilier et de l’agroalimentaire, qui ont, eux aussi, les faveurs du régime.

Dans un rapport publié fin 2016, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) s’inquiétait de « la naissance d’une oligarchie médiatique au service d’intérêts économiques et politiques occultes ». Et rappelait que ces investisseurs n’étaient pas tous issus des cercles du président. En conflit ouvert avec le clan Bouteflika depuis plusieurs années, Issad Rebrab, première fortune d’Algérie, est ainsi propriétaire du quotidien Liberté.

Le PDG de la société agroalimentaire Cevital a également tenté de racheter, en 2016, le groupe de médias El Khabar, regroupant le quotidien du même nom et la chaîne KBC, avant que la justice s’y oppose en vertu de la loi anticoncentration. Une « stratégie du deux poids deux mesures », selon RSF, qui souligne qu’Ali Haddad a pour sa part été autorisé à absorber plusieurs médias.

Revirement éditorial

Pour ces chaînes commerciales, les liens entretenus par leur propriétaire avec les autorités représentent également une sécurité. Car depuis la libéralisation de l’audiovisuel, amorcée en 2012, « elles doivent obtenir une licence qui peut leur être retirée si elles ne respectent pas le cahier des charges du ministère de la communication », souligne Fatima El Issawi, chercheuse à la London School of Economics (LSE) et auteure d’un rapport sur les médias algériens. Ces directives interdisent notamment « toute offense, parole outrageante, injurieuse ou diffamatoire à l’encontre du président de la République ». « L’Etat a donné ces agréments aux quelques chaînes qui représentent les sensibilités du régime », estime Mme El Issawi.

Pour certaines d’entre elles, néanmoins, le vent semble tourner, alors que le clan présidentiel apparaît chaque jour un peu plus fragilisé. « Les télévisions privées proches du pouvoir opèrent actuellement un revirement en parlant ouvertement de la révolte populaire. Elles quittent le navire, car elles voient venir la fin d’un système », analyse Belkacem Mostefaoui, en ajoutant que leurs propriétaires « rebondiront pour exercer leur influence d’une autre façon ».

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