« Les réticences face au vaccin contre le Covid sont socialement construites »

Comme toutes les épidémies, le Covid a une forte dimension sociale. Le risque d’être exposé au virus, les conséquences de l’épidémie sur les conditions de vie ne sont pas les mêmes selon le lieu de résidence, le logement, la situation d’emploi, le statut professionnel, la situation financière, le genre, l’origine ethno-raciale... Les inégalités sociales sont aussi prégnantes en matière de prévention, et notamment de vaccination.

En Seine-Saint-Denis, le taux de vaccination est de 22 % fin juin contre 33 % pour la moyenne nationale. Ce n’est pas uniquement dû à l’âge : pour les plus de 75 ans, le taux de vaccination est de 68 % dans ce département contre 76 % à l’échelle nationale. Les taux de vaccination ne sont pas non plus les mêmes selon les catégories professionnelles. Parmi les soignants, les taux de vaccination des aides-soignant.e.s et infirmier.e.s sont ainsi moins élevés que ceux des médecins.

Fin mai, 40 % des aides-soignant.e.s avaient reçu deux doses de vaccin, contre 47 % d’infirmier.e.s et 65 % de médecins. Fin juin, 47 % des professionnels en Ehpad ou USLD (unité de soin longue durée) sont complètement vaccinés, contre 73 % des professionnels de santé libéraux. Dans ce contexte – ralentissement de la vaccination, progression du variant delta, plus contagieux, et anticipation d’une quatrième vague à la rentrée, voire avant –, le gouvernement envisage d’imposer aux soignants une obligation vaccinale. Cette option est soutenue par certains professionnels de santé, tandis que d’autres dénoncent « un mauvais combat ».

« Les réticences face au vaccin contre le Covid sont socialement construites »

Pour éclairer ces questions, nous avons sollicité la sociologue Nathalie Bajos. Directrice de recherche à l’Inserm (l’Institut national de la santé et de la recherche médicale), elle pilote avec Josiane Warszawski, médecin épidémiologiste, l’enquête EpiCov (« Epidémiologie et conditions de vie ») qui documente les inégalités sociales au temps du Covid, en suivant une cohorte de 135 000 personnes. Après la publication de premiers résultats sur les inégalités liées à l’exposition au virus et aux effets du confinement sur les conditions de vie, Nathalie Bajos travaille actuellement avec Alexis Spire, sociologue au CNRS, sur les inégalités vaccinales.

Les inégalités sociales face au Covid concernent les conditions de vie, mais aussi l’accès à la prévention, au vaccin notamment. Que peut-on en dire ?

Nathalie Bajos : Les inégalités sociales en matière de pratiques vaccinales recouvrent deux dimensions : les attitudes par rapport aux vaccins – hostilité, confiance, doute – et l’accès effectif aux vaccins. Dans le cadre de l’enquête EpiCov, nous travaillons actuellement sur ces deux questions. Nous disposons aujourd’hui de résultats pour le premier point, les attitudes face au vaccin contre le Covid, et sommes en train d’exploiter les données pour le deuxième aspect, les inégalités dans l’accès effectif au vaccin. Une précision : les premiers résultats sont issus d’entretiens réalisés en novembre dernier, à un moment où les vaccins n’étaient pas encore disponibles.

Y a-t-il une particularité dans les attitudes face au vaccin contre le Covid par rapport à la vaccination en général ?

N. B. : Nous nous sommes en effet intéressés à l’attitude face au vaccin contre le Covid en cherchant à savoir s’il y avait une spécificité par rapport aux attitudes de la population française face aux vaccins en général. La défiance...

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