La Fédération des femmes tourne le dos à l’égalité entre les sexes

La Fédération des femmes du Québec (FFQ) a demandé d’intervenir à la Cour d’appel du Québec pour défendre le port du voile islamique par les enseignantes des écoles publiques du Québec. Cette position est déconcertante non seulement dans le contexte historique du combat des femmes pour l’égalité au Canada, mais aussi au regard de l’actualité internationale où les Afghanes, les Iraniennes, les Saoudiennes et plusieurs autres appellent à une plus grande solidarité pour défendre leurs droits.

Cette demande d’intervention est d’autant plus troublante que la FFQ est sans présidente depuis juin 2020 et qu’aucune consultation formelle auprès de ses membres ne semble avoir été faite pour une intervention à la Cour d’appel, dans la contestation judiciaire de la Loi sur la laïcité de l’État.

Droit à l’égalité au Canada

La FFQ, qui existe depuis 1966, était de tous les combats pour l’atteinte de l’égalité des sexes au Canada. Elle a activement participé, en 1970, à la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada, qui identifiait les grandes religions monothéistes comme une cause de l’infériorisation des femmes et de leur retard à jouir des avancées juridiques, technologiques, sociales et culturelles de nos sociétés. C’est à sa demande que le Conseil du statut de la femme, organisme ayant pour mission de conseiller le gouvernement du Québec sur toutes les questions en lien avec l’égalité entre les femmes et les hommes, a été créé en 1973. Ce Conseil concluait, au début des années 2000, que le droit des femmes à une égalité réelle posait une limite au droit à la liberté de religion. Ce mouvement de fond en faveur de l’égalité entre les sexes et auquel la FFQ a participé, se retrouve également dans les conventions internationales auxquelles le Québec et le Canada adhèrent. Ces dernières précisent que l’égalité entre les sexes ne peut être restreinte, tandis que la liberté de religion peut l’être pour protéger le droit des femmes à être traitées également.

Il est donc étonnant de voir aujourd’hui la FFQ se dissocier du combat universel pour l’égalité entre les femmes et les hommes, et soutenir des pratiques patriarcales. En voulant défendre le port du voile des enseignantes en Cour d’appel, la FFQ ferme les yeux sur le message sexiste véhiculé par ce signe religieux et sur l’influence de l’enseignante, qui le porte, sur des enfants vulnérables pour qui elle constitue une figure d’autorité, un modèle pour l’enfant. Tout cela est incompréhensible.

La Fédération des femmes tourne le dos à l’égalité entre les sexes

Actualité internationale

Plus déconcertant encore, alors que des Afghanes crient à l’aide face au régime des talibans, que des Iraniennes, terrorisées par leur régime islamiste, dénoncent la promotion du voile par les féministes occidentales, que des Saoudiennes vivent un « apartheid » contre les femmes, la FFQ demeure silencieuse. Où est passée sa solidarité féminine internationale ? Comment peut-elle rester aussi insensible à l’influence du fait religieux sur les droits des femmes ? Pourquoi abandonne-t-elle ces femmes prisonnières de ces systèmes patriarcaux ?

D’autant plus que l’infériorisation des femmes par les religions existe bel et bien aussi au Canada. L’expérience de la Canadienne Yasmine Mohammed, qui vient de publier Unveiled: How Western Liberals Empower Radical Islam, en est une preuve éloquente. Elle y raconte qu’à 12 ans, encouragée par son enseignant, elle dénonce la maltraitance infligée par son beau-père intégriste ainsi que l’imposition du voile islamique. Le juge canadien lui aurait répondu « ce sont des pratiques courantes dans votre communauté, nous ne voulons pas interférer. » Le Conseil national des musulmans Canadiens reconnaît aussi que pour certaines familles musulmanes canadiennes, le port du voile est obligatoire. Des parents de culture musulmane sont également venus en Cour supérieure pour demander que leurs enfants soient protégés de tout prosélytisme religieux. Ils s’opposent à ce que leurs enfants soient exposés à la transmission de valeurs contraires à leurs convictions profondes et au principe d’égalité entre les sexes. Ils ne veulent pas que leurs filles apprennent, de façon explicite ou implicite, qu’elles doivent se couvrir pour être modestes et pudiques ou que leurs garçons aient cette vision de leurs sœurs et soient perçus comme des prédateurs sexuels en puissance. Leurs témoignages sont forts et puissants.

Pourquoi la FFQ ferme-t-elle les yeux sur cette réalité ? En priorisant l’autonomie décisionnelle des femmes5, la FFQ défend des signes patriarcaux plutôt que la dignité et l’égalité entre les sexes. C’est à n’y rien comprendre !

Comme le disait la regrettée Diane Guilbault, féministe universaliste: « Si le droit de choisir est un gain des féministes, tous les choix ne sont pas forcément féministes. » 6 « Pour conserver leurs acquis, les femmes doivent poursuivre leur combat en gardant en tête l’objectif fondamental du féminisme : l’émancipation de toutes les femmes. »

Marie-Claude Girard

Retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne

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